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Dipladenia : une culture en vogue, mais délicate à conduire

Contraintes lumineuses, pH de 5,5 maximum, besoin important en éléments fertilisants, pincement incontournable, utilisation limitée de régulateurs de croissance... Difficile à cultiver, le Dipladenia offre toutefois une bonne résistance à la sécheresse. Robert Lannes, obtenteur multiplicateur, et la station horticole Ratho donnent leurs préconisations pour le réussir au mieux.

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Dans le cadre d'une journée technique à la station d'expérimentations horticoles Ratho, à Brindas (69), le 27 juin dernier, les débats et interventions avaient pour thème « Mandevilla/ Dipladenia ». Ce genre végétal est très en vogue : il se vend annuellement près de cinq millions de potées en Europe, et les estimations anticipent un doublement dans les cinq ans à venir. La recherche variétale et l'optimisation des techniques culturales ont été payantes avec de nouveaux coloris, une meilleure précocité de floraison, des plantes plus compactes... Lors de cette journée, Robert Lannes, précurseur de la culture du Dipladenia en France, a fait part de son expérience de plus de vingt-cinq ans et brossé un panorama complet des variétés et des aspects techniques de cette plante à la fois résistante à la sécheresse et difficile à conduire.

1 LA LUMIÈRE EST UN FACTEUR IMPORTANT ET LIMITANT à tous les stades de culture, tant au niveau de sa durée que de son intensité. Par exemple, à la phase multiplication, des boutures réalisées en juin racineront en quatre semaines à 24-25 °C en température de fond, alors qu'en hiver, dans les mêmes conditions de température, l'enracinement prendra plus de sept semaines en France (cinq dans le sud de l'Espagne)... Ces contraintes lumineuses, associées aux coûts de main-d'oeuvre et de chauffage, expliquent que la plupart des multiplicateurs produisent aujourd'hui leurs boutures en Éthiopie. Jusqu'alors, les Ets Lannes s'efforçaient d'effectuer le bouturage au sein de l'entreprise, à Malause (82), dans laquelle ils avaient beaucoup investi. Les boutures étaient prélevées sur pieds mères issus de souches in vitro, conservés dix-huit mois. Dès l'an prochain, la totalité de la production viendra d'Éthiopie, toujours à partir de pieds mères issus de souches in vitro. Après enracinement, le retour des boutures en France se fera en plaques alvéolées. L'aspect sanitaire étant une préoccupation majeure, l'objectif est de pouvoir proposer des boutures certifiées dans les deux ans à venir (contre les virus et les maladies).

2 LE DIPLADENIA EST UNE PLANTE ACIDOPHILE. Il exige un pH compris entre 4,5 et 5, voire 5,5 au maximum. La terre de bruyère ne lui convient pas. Pour les jeunes plants, il est impératif d'utiliser un substrat à base de tourbe blonde fine, car les racines risquent de se dessécher si elles rencontrent une cavité d'air, et dépoussiérée, car les poussières stockent l'eau et s'accumulent au fond du pot au fur et à mesure des arrosages, provoquant des asphyxies racinaires auxquelles la plante est très sensible.

3 LE DIPLADENIA EST GOURMAND EN ÉLÉMENTS FERTILISANTS, mais il craint les excès de sel : conductivité optimale entre 1,9 et 2. En culture, l'utilisation d'engrais enrobés à libération « programmée » peut induire des actions trop rapides provoquant des problèmes racinaires dus aux excès de sel. Attention particulièrement aux eaux d'arrosage très chargées présentant des conductivités élevées. La neutralisation de ces eaux d'arrosage provoque un enrichissement en azote sous forme nitrique de façon non négligeable. Si c'est le cas, il convient de diminuer la proportion totale d'azote dans les engrais et de privilégier la fertilisation azotée sous forme ammoniacale. La magnésie est un élément fertilisant important : les fleurs sont plus colorées et plus brillantes en présence d'une quantité suffisante de magnésie. L'équilibre 10-5-25 + 8 mg peut être utilisé pendant toute la seconde moitié de la culture, des plantes à mi-stade jusqu'à la floraison. En cultures estivales, l'assimilation de l'acide phosphorique peut être bloquée en périodes chaudes et poser des problèmes de croissance.

4 QUEL QUE SOIT LE PLANNING DE CULTURE et les variétés utilisées, même les plus récentes, le pincement reste incontournable et doit être réalisé au bon moment : quand la tige est encore herbacée. Si elle est durcie, il y a risque d'importantes chutes de feuilles à la base de la plante. La meilleure façon de cultiver le Dipladenia pour obtenir des plantes compactes, solides, avec une meilleure induction florale est de démarrer la culture très tôt, en fin d'été, pour bénéficier d'un maximum de luminosité en début de culture. Le Mandevilla sanderi mis à part, vu le montant des royalties pour les nouvelles variétés, on ne met généralement plus qu'une seule bouture par pot de 10,5 cm, d'où l'importance d'obtenir une bonne ramification.

Après empotage des boutures, dès que les racines ont démarré et atteignent le bord des pots (en deux semaines l'été), pincer immédiatement, en conservant deux à trois niveaux de feuilles. Les plantes seront bien ramifiées avant l'hiver. Hivernées à températures basses, elles pourront tenir jusqu'à + 5 à + 10 °C la nuit. Des températures élevées associées à un manque de luminosité provoqueraient un allongement des entrenoeuds et une réduction du nombre de fleurs. Attention, durant cette période, à bien contrôler l'hygrométrie pour éviter le développement du botrytis. Si l'occupation des serres ne permet pas de recevoir les boutures en fin d'été, il est possible de démarrer la culture à partir de la Toussaint, mais le pincement sera plus délicat et la ramification moins bonne.

Troisième option : démarrer la culture en février, avec des plantes à mi-stade. Dans ces deux derniers cas, les plantes risquent de s'étioler par manque de lumière : le recours aux régulateurs de croissance sera plus fréquent pour éviter le développement de lianes. Cas particulier : 'Opale Citrine' jaune, naturellement peu ramifiante, doit être cultivée dès la fin de l'été pour être bien ramifiée avant l'hiver. Attention, elle ne supporte pas des températures moyennes hivernales inférieures à 16 °C...

5 LES RÉGULATEURS DE CROISSANCE RISQUENT de devenir un problème important à résoudre. Aujourd'hui, Daminozide (Alar) va très bien sur Dipladenia, mais son interdiction future est probable. Il n'y a pas, à l'heure actuelle, de solution de remplacement. Paclobutrazol (Bonzi) a une bonne efficacité pour réduire la pousse, mais il provoque un ramollissement et une réduction du feuillage, ainsi qu'un jaunissement des feuilles à la base de la plante. La solution peut passer par le choix de variétés nécessitant peu ou pas de régulateur de croissance : c'est le cas pour Diamantina® 'Jade' Scarlet, 'Jade' Red ou 'Opale' Grenat, avec, de préférence, une culture longue pour obtenir des plantes déjà bien ramifiées avant l'hiver.

6 LE DIPLADENIA SUPPORTE MAL LE TRANSPORT et exige des précautions sur le lieu de vente. Le manque de lumière durant cette phase ou pendant le stockage en rolls peut provoquer des chutes de boutons floraux. Ces étapes ne doivent pas dépasser 24 à 36 heures, y compris le temps de préparation des rolls. En France, il est habituel de livrer en 12 à 18 heures : attention donc aux grosses commandes qui nécessitent plusieurs jours de préparation. Sur les lieux de vente en jardinerie, le Dipladenia doit être présenté à l'extérieur pour prévenir tout défaut de floraison susceptible d'intervenir au bout de quatre jours de stockage à l'intérieur, à un emplacement peu lumineux. Ses exigences au niveau du pH, du besoin en eau et de la fertilisation rendent difficile son utilisation en association avec d'autres annuelles ou en suspension. En plus des problèmes d'asphyxie racinaire, les excès d'eau peuvent provoquer des décolorations florales même sur des variétés classiquement non sensibles à ce phénomène.

7 IDENTIFIÉE EN 2006, LA FUSARIOSE est aujourd'hui un problème sanitaire majeur. Une infestation se traduit par le flétrissement des vieilles feuilles qui s'incurvent et finissent par se dessécher. Une coupe longitudinale de la tige met en évidence des vaisseaux liégeux et brunâtres. Cette maladie survient surtout lors de la multiplication et de l'élevage des jeunes plants ; elle se déclare dans les semaines qui suivent l'empotage. Aucune mesure ne permet de combattre efficacement ce champignon. L'élimination des plantes malades et des résidus de culture, l'utilisation de substrats sains, l'achat de boutures certifiées sont les seules solutions actuelles pour enrayer cette maladie. Ce Fusarium étant du même type que celui du cyclamen, attention également à la cohabitation des deux cultures sous serre.

8 LES COCHENILLES SONT LES RAVAGEURS les plus importants sur Dipladenia, d'après le Ratho, avec trois espèces : la cochenille « farineuse » (Pseudococcus longispinus), la cochenille « de l'oranger » (Planococcus citri) et la cochenille « plate » (Lecanium hesperidum synonyme Coccus hesperidum). En se nourrissant de sucs végétaux et de sève, elles provoquent un ralentissement de la croissance des plantes et une formation importante de miellat. La lutte chimique est quasi inexistante, seule la lutte intégrée associant plusieurs méthodes peut se révéler efficace notamment sur la cochenille « de l'oranger ». La lutte préventive utilise le piégeage sexuel avec des capsules de phéromone. La lutte biologique fait appel à des prédateurs naturels : larves de coccinelle Cryptolaemus montrouzieri prédatrices à tous les stades de développement de la cochenille « de l'oranger » si elle comporte des stades à ovisacs ; hyménoptères Leptomastix dactilopii qui paralyse les nymphes et les adultes ; et Leptomastidea abnormis qui paralyse les jeunes larves. Leur introduction est possible dès avril et mai, car l'efficacité est optimale en été.

Claude Thiery

(*) La station Ratho a édité une fiche de culture complète sur le Dipladenia Mandevilla : assortiment, calendrier et conditions de culture, maladies et parasites.

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